Des ouvriers sans-papiers portent plainte
Une dizaine de sans-papiers assignent leurs employeurs devant les prud’hommes pour exploitation sur les chantiers olympiques. Cependant, plus de cent clandestins ont été dévoilés, dont certains recrutés par un réseau franco-turc.
Exploitation sur plusieurs chantiers
Les chantiers du village olympique à Saint-Ouen, de la piscine de Marville et de la transformation de la tour Pleyel en hôtel de luxe à Saint-Denis ont fait appel à des travailleurs sans-papiers. Le 20 juin 2023, dix d’entre eux ont décidé de porter plainte contre plusieurs entreprises aux prud’hommes de Bobigny. Ces ouvriers, originaires d’Afrique subsaharienne, étaient affectés aux tâches les plus pénibles, sans contrat de travail, fiche de paie, congés payés, heures supplémentaires ou prise en charge des frais de transport et de repas. Neuf entreprises sous-traitantes de GCC et Spie-Batignolles étaient impliquées.
Des paiements en espèces et des recrutements informels
Les travailleurs étaient rémunérés de manière aléatoire, en liquide, par chèque ou virement bancaire. Le recrutement se faisait par le bouche-à-oreille au sein des diasporas africaines d’Île-de-France. Certains, comme Mamadou, avaient recruté leurs compatriotes pour leurs employeurs.
Mamadou, originaire du Mali, affirme que l’entreprise avait modifié son nom chaque année sur son badge pour brouiller les pistes. Il avait été renvoyé lorsqu’il avait cherché à se syndiquer et avait perdu 2 500 euros d’impayés.
Des conditions de travail dangereuses
Les ouvriers se plaignent que leurs employeurs ne fournissaient que des gants sur les chantiers. Ils devaient acheter leurs propres chaussures de sécurité, casques et vêtements de travail. Les blessures étaient fréquentes, sans indemnisation en cas d’accident du travail.
Entreprises sous-traitantes fermées
Dans le cadre de la procédure, deux donneurs d’ordres et neuf sous-traitants ont été identifiés. Cependant, trois entreprises sous-traitantes ont fermé par une procédure amiable, les empêchant d’être poursuivies. Cette situation rallonge la procédure pour les plaignants.
Entreprises en liquidation judiciaire
Deux autres entreprises mises en cause se sont placées en liquidation judiciaire avant le début de la procédure prud’homale, rendant difficile l’indemnisation des travailleurs. L’Association de Garantie des Salaires (AGS) pourrait intervenir pour indemniser les travailleurs.
Un réseau franco-turc
Radio France a révélé un réseau de 14 autres ouvriers sans-papiers qui ont assigné leurs employeurs devant les prud’hommes. Onze de ces sociétés sont également en liquidation. Elles fonctionnent selon le même modèle que dans la première procédure, caractérisé par des entreprises éphémères avec un faible capital social.
Concentration géographique et origine des gérants
Le réseau identifié comprend principalement des gérants d’origine turque, française d’origine turque ou membres de la minorité turque de Bulgarie. La plupart sont originaires de la ville de Yaprakli en Turquie, une région où le président turc, Recep Tayyip Erdogan, et le mouvement nationaliste des « Loups gris » obtiennent des scores élevés.
Une centaine de sans-papiers identifiés
La SOLIDEO, responsable de la supervision des 68 chantiers olympiques, a identifié environ cent travailleurs en situation illégale. Cependant, l’organisme n’a pas connaissance de l’existence de telles filières. Un élu local suit l’affaire de près mais est pessimiste quant à la capacité du système de supervision à rattraper cette réalité.
Réaction des grands donneurs d’ordre
SPIE Batignolles n’a pas commenté, tandis que le directeur des ressources humaines de GCC, Eric Spielmann, a déclaré que sa société avait pris connaissance des faits délictueux et nie toute collusion des grandes entreprises du bâtiment pour favoriser des systèmes illégaux. L’inspection du travail a saisi le procureur de la République de Bobigny pour travail dissimulé et emploi de salariés en situation irrégulière, tandis que la CGT a porté plainte et s’est constituée partie civile.